Jaloux, jalouses, unissez-vous !

Beaucoup d’entre nous ont été endoctrinés dès le biberon par une doxa incontestable : il est bon de payer des impôts car c’est grâce à ceux-ci que l’on construit des routes, des écoles et des hôpitaux. Cela part du principe, pourtant simple à démonter, que seuls les états seraient aptes à construire des routes, des écoles et des hôpitaux. Auparavant, c’est-à-dire avant que l’état, au nom de la séparation des pouvoirs temporels et spirituels, n’accapare le tout, il n’y avait bien sûr ni hôpitaux, ni routes, ni écoles. Des générations de Franciscains et Dominicains doivent se retourner dans leur sépulcre ! En échange de la dîme, 10 % d’impôt sur le revenu !, les clergés, principalement réguliers, assuraient la conservation du savoir, les bibliothèques, la recherche scientifique, l’enseignement, les fameux hôpitaux et bien d’autres choses. Et en-dehors du clergé, bien des civilisations ont vécu et prospéré sans se placer sous les jupons protecteurs d’un état-nounou. Le principe de l’état seul capable de gérer et organiser la vie en société ne résiste guère à l’analyse.

La doxa s’est donc affinée, s’appuyant sur la délicieuse volupté de la culpabilité et de la flagellation qui semble animer beaucoup de monde dans les civilisations judéo-chrétiennes. Et devant l’incroyable incurie des états, une nouvelle vérité biblique se fait jour : il est bon de payer des impôts, car c’est ce mécanisme qui assure la redistribution des richesses ! Diantre ! Il faut donc supposer que la redistribution des richesses est un impératif qui ne tolère pas la moindre opposition ou remise en question. Personne ne parvient cependant à expliquer en quoi cette redistribution serait un gage de bonheur généralisé. La disparité des richesses, comme des talents ou de la santé, est pourtant une réalité avec laquelle l’humanité compose vaille que vaille depuis toujours. Mais visiblement, cette modestie élémentaire qu’est l’acceptation du réel n’est plus au goût du jour. Désormais aussi illimité qu’un forfait SFR, l’homme nouveau refuse autant les frontières que la réalité la plus prosaïque et érige l’égalitarisme en nouveau veau d’or. Il redistribue à qui mieux mieux, tentant de vaincre les inégalités avec à peu près autant de chance de réussir que Sisyphe d’arrimer son rocher au sommet de la côte. Mais il persiste. La cohorte humaine peut doubler, quadrupler, quintupler tous les ans, peu importe, l’homme nouveau se fait fort d’égaliser tout ce petit monde. A coup de « redistribution », ce qui est tout de même plus pimpant que la charité ! Sûr de son bon droit, il ne se rend probablement pas compte que sa lutte contre les « exclusions » et les « inégalités », s’abreuvent à une source assez immonde : la jalousie. Car ne nous leurrons pas, c’est elle, et elle seule, qui motive ces luttes.

La jalousie et l’envie sont certes des leviers puissants, quand ils poussent à bâtir et à se dépasser et d’infects cancers quand ils poussent à spolier et dépouiller son voisin, mais ce sont avant tout des vices effroyables. Rien à voir avec des défauts qui ne nuisent à personne, tels la gourmandise ou la paresse, défauts traqués de nos jours à tous les coins de rue. Non, seules la jalousie et l’envie, toxiques pour les autres et destructrices pour celui qui l’éprouve, peuvent désormais dicter nos orientations politiques. Tous égaux, sans discriminations ou exclusions !

Ce dangereux miroir aux alouettes masque sans doute que la seule chose face à laquelle nous sommes réellement égaux, c’est la mort.

2 thoughts on “Jaloux, jalouses, unissez-vous !”

  1. il fallait payer la dîme mais on avait un retour bien supérieur parce qu’enrichi par quelque chose de gratuit découlant de la vocation des membres du clergé.
    L’État laïque et obèse, s’est depuis investi de cette mission, a confisqué (en France) les biens du clergé, pour aboutir à un gouffre financier et même à une relative inertie. tout cela étant supporté par les élèves, les malades et les contribuables…

    1. 10/10 ! C’est exactement cela ! L’état n’a d’ailleurs pas uniquement confisqué les biens de l’église mais aussi, plus tard, les caisses de secours des ouvriers des manufactures afin de créer la fameuse « Sécu », avec le succès que l’on sait !

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